3 ans de pontificat pour François
Ce 13 mars, le pape François fêtera ses trois ans de pontificat. “Personne de l’année” pour le magazine américain Time en 2013, sa popularité ne s’est pas émoussée parmi les catholiques et les non-catholiques. Retour sur les surprises de ce début de pontificat et sur celles que le pape pourrait encore, à l’avenir, nous réserver. Avec Pèlerin. Publié en mars 2016
Humble comme un pape
Le 28 mars 2013, deux semaines après son élection, François se rend à la prison pour mineurs de Casal del Marmo, dans la banlieue de Rome. Il y lave les pieds de douze jeunes détenus. Un geste inédit – référence au Christ lavant ceux des disciples dans l’Évangile de Jean – que François répétera en 2015 dans une autre prison romaine. « Son humilité est déconcertante, juge le P. François Duthel, curé à Lyon (Rhône) qui a travaillé à la Secrétairerie d’État à Rome et connu le pape alors que ce dernier était archevêque de Buenos Aires (Argentine). François est considéré comme l’un des plus grands hommes du monde et se conçoit comme tout petit et tout simple. » Cette humilité n’est pas sans précédent : « François se situe dans la droite ligne de ce qui a été fait au XXe siècle pour passer à un pontificat plus humble, ajoute le P. Duthel. Son attitude est l’aboutissement du geste de Paul VI qui vendit sa tiare au bénéfice des pauvres de Bombay (Inde). Ses autres prédécesseurs, Jean-Paul II et Benoît XVI (qui ne portaient plus ce riche couvre-chef, NDLR), furent de belles figures d’humilité, mais le pape François est davantage qu’une “figure” : son humilité s’exprime par toute une série d’actes. » Laver les pieds des détenus, habiter hors des dorures des appartements pontificaux, rester discuter – comme un simple curé – avec les fidèles à la sortie de la messe, laisser des enfants grimper sur son estrade lors de ses voyages, demander à tous ceux qu’il croise de prier pour lui… Ce comportement traduit une conception nouvelle de l’exercice de la papauté, héritée de la théologie du peuple (un courant argentin de la théologie de la libération), qui prône la proximité, notamment avec les plus pauvres.
Proche des migrants
Le 8 juillet 2013, le pape François est le premier chef d’un État d’Europe à fouler le sol de l’île italienne de Lampedusa, submergée par les migrants traversant la Méditerranée. « J’ai senti, dit-il à son arrivée, que je devais venir ici aujourd’hui pour prier, pour poser un geste de proximité. » Puis il évoque « les immigrés morts en mer, dans ces bateaux qui, au lieu d’être un chemin d’espérance, ont été un chemin de mort ». Ce fut là son premier voyage. « Le pape, qui se présente lui-même comme fils de migrants, veut attirer l’attention de la communauté internationale, et particulièrement des pays du Nord, sur ce drame qui n’en finit pas », assure Michel Roy, secrétaire général de Caritas Internationalis, l’organisation qui fédère les agences catholiques d’aide aux pauvres dont le Secours catholique. « Le pape lutte contre ce qu’il nomme la “globalisation de l’indifférence”, poursuit Michel Roy. Et il rappelle sans cesse la position de l’Église : tous les humains sur Terre appartiennent à une seule famille. Peu importent les raisons qui poussent un migrant à fuir son pays ; peu importe qu’il puisse prétendre ou non au statut de réfugié ; le rôle d’un chrétien est de l’accueillir les bras ouverts. »
Ambassadeur de la paix
Le 8 juin 2014, le pape François réunit dans les jardins du Vatican Shimon Peres et Mahmoud Abbas, les présidents israélien et palestinien, pour un temps de prière pour la paix. En septembre 2015, il choisit de faire le lien, dans un même voyage, entre Cuba et les États-Unis. Que ce soit à la frontière entre Corée du Sud et Corée du Nord en 2014, ou à celle qui sépare le Mexique des États-Unis début 2016, le pape répète un même message : « Construisez des ponts, pas des murs. » « Sur le plan diplomatique, le pape François est dans la continuité de son prédécesseur, souligne le F. Mike Deeb, délégué permanent des Dominicains auprès des Nations unies, à Genève (Suisse). En soutenant la reprise des négociations entre Cuba et les États-Unis par exemple, il réalise ce que Benoît XVI avait commencé. Avec, cependant, une manière de faire originale : il cherche à aller au-delà des idéologies. En ne condamnant pas la Russie lors de l’intervention militaire en Ukraine – ce qui lui a été reproché – il veut laisser la porte ouverte aux négociations. Il regarde en premier lieu la situation des plus pauvres, des opprimés, qui sont pour lui la chose la plus importante. C’est ce qui détermine toute sa diplomatie. Le pape François répète sans cesse le point central de la doctrine sociale de l’Église : la notion de bien commun. La paix est impossible tant que subsistent de grandes inégalités. En cela, elle est plus profonde que l’absence de violence, puisqu’elle exige que nous changions notre façon de vivre ensemble. »
Critique du capitalisme
Le 9 juillet 2015, en Bolivie, François prononce l’un des discours les plus forts de son pontificat face à des paysans : « Que puis-je faire, moi, chiffonnier, comptable, ramasseur d’ordures, agent de recyclage, face à tant de problèmes si je gagne à peine assez pour manger ? Que puis-je faire, moi, artisan, vendeur ambulant, transporteur, travailleur exclu, si je n’ai même pas les droits des travailleurs ? Que puis-je faire, moi, paysanne, indigène, pêcheur, qui peux à peine résister à l’asservissement des grandes corporations ? (…) Vous, les plus humbles, les exploités, les pauvres et les exclus, vous pouvez et faites beaucoup. J’ose vous dire que l’avenir de l’humanité est, dans une grande mesure, entre vos mains, dans votre capacité à vous organiser et à promouvoir des alternatives créatives, dans la recherche quotidienne des trois T, travail, toit, terre. » « Le pape a raison d’insister sur la valeur du travail, estime Robert Leblanc, directeur de société, ancien président des Entrepreneurs et dirigeants chrétiens. Il n’est d’ailleurs pas le premier : Jean-Paul II qualifiait déjà le travail de “bien fondamental de la personne” (encyclique Laborem exercens, NDLR). Cela dit, certains textes et discours de François ne sont pas faciles à accepter dès la première lecture. Le pape a une vision très latino-américaine de l’économie, selon laquelle les grandes multinationales dirigent le monde. Néanmoins, ses prises de position ne provoquent pas de réaction de rejet chez les patrons chrétiens que je connais. »
Messager de la miséricorde
Le 13 mars 2015, à Rome, lors du second anniversaire de son élection, le pape François annonce la tenue d’un jubilé de la miséricorde, thème apparu très tôt dans ses discours. « C’est l’un des fils rouges de son pontificat, explique le P. Duthel. La miséricorde entre dans la logique de pardon expérimentée par exemple par Nelson Mandela, l’ancien président d’Afrique du Sud. Elle est importante sur le plan sacramentel mais également aux niveaux social et politique. » En témoigne le choix du pape d’inaugurer ce jubilé en Centrafrique en novembre dernier, voyage au cours duquel il ouvrit la porte sainte de la cathédrale de Bangui. Signe de cette miséricorde, le pape a terminé son séjour dans ce pays en guerre par la visite d’une mosquée. « Dans le texte annonçant le jubilé, le pape François avait déjà précisé que la miséricorde était l’un des noms de Dieu les plus utilisés dans l’islam, explique Fadi Daou, prêtre libanais engagé dans le dialogue islamo-chrétien. Cela a eu un grand écho auprès des élites musulmanes. Au fond, François change l’approche que l’Église catholique a du dialogue interreligieux, car il l’envisage dans une perspective de fraternité spirituelle. Et sa personnalité restaure la confiance des musulmans, comme en témoigne le rétablissement de relations entre le Vatican et l’Université Al-Azar, au Caire. » Cette institution égyptienne, l’une des plus importantes de l’islam sunnite, a en effet annoncé, le 2 février dernier, son souhait de reprendre le dialogue avec le Saint-Siège, dans le but, notamment, de contrer l’islam radical. b