Gilets Jaunes
Nous sommes tous, responsables du dialogue |
Notre pays est secoué depuis plusieurs semaines par des manifestations importantes de personnes exprimant leur souffrance et leurs peurs. Des changements profonds qui marquent notre société, des choix politiques mal compris accentuent le sentiment d’exclusion. Cette crise montre à l’évidence un déficit d’écoute et de dialogue dans notre pays, des ruptures et des incompréhensions que vivent beaucoup de nos concitoyens, une méfiance croissante dans toute institution et la perte de confiance dans les corps intermédiaires. Nous sommes témoins des violences qui ont émaillé les manifestations de ces dernières semaines. Elles ne mènent à rien et ne peuvent être en aucun cas un mode d’expression du malaise ressenti. Nous les condamnons sans réserve. Aujourd’hui, nous appelons chacun à assumer ses responsabilités et à accepter les voies de dialogue qui sont possibles pour que les choix nécessaires puissent être assumés dans le respect de chacun. Nous redisons que la solidarité doit être au cœur des relations humaines, tout spécialement vis-à-vis des plus fragiles. Seul, un dialogue courageux et constructif pourra contribuer à la recherche du bien commun. J’appelle les catholiques à porter notre pays dans la prière en ce temps où nous attendons la venue du Prince de la Paix et à être chacun, là où il est, artisan de ce dialogue respectueux de l’autre.
+ Georges Pontier |
L'urgence de la fraternité
Les évènements récents montrent une souffrance importante d’une grande partie de nos concitoyens, qui génère la colère quand elle ne semble pas entendue et une frustration devant ce qui peut être pris pour de l’arrogance. Comme archevêque de Paris, je comprends la peine de ceux qui manifestent pacifiquement et luttent pour conserver une vie digne, je dénonce la violence scandaleuse de ceux qui en profitent pour saccager notre ville, je salue le courage des services de police et de gendarmerie et je m’unis au souci de nos gouvernants qui cherchent des réponses à la crise.
Notre pays souffre d’une incompréhension généralisée. L’individualisme devient la valeur absolue au détriment du bien commun qui se construit sur l’attention aux autres et en particulier aux plus faibles. Les valeurs de la République que sont la liberté et l’égalité sont parfois détournées par des réseaux d’influence qui réclament des droits nouveaux sans égard pour les plus vulnérables.
Où sont les véritables priorités ? Les urgences nationales, les « grandes causes » de notre pays ne peuvent légitimement être celles des revendications communautaristes ou catégorielles. Le devoir primordial de l’État est de garantir pour chacun les moyens d’entretenir sa famille et de vivre dans la paix sociale. Il nous faut reconstruire une société fraternelle. Or, pour être frères, encore faut-il une paternité commune. La conscience de Dieu le Père qui nous apprend à nous « aimer les uns les autres » a façonné l’âme de la France. L’oubli de Dieu nous laisse déboussolés et enfermés dans l’individualisme et le chacun pour soi.
La violence engendre la vengeance et la haine. Apprenons ensemble à nous écouter vraiment et à nous parler sans à priori méprisant pour ceux qui ne pensent pas comme nous. J’appelle modestement les protagonistes à un véritable dialogue où chacun accepte de sortir de ses certitudes pour établir un vrai diagnostic d’une situation délétère et trouver humblement les voies d’une reconstruction fraternelle de notre société. Je demande enfin aux chrétiens de prier et d’être ce qu’ils sont appelés à être au nom du Christ : des artisans de paix.
Je porterai notre pays dans la prière lors de la Messe de l’Immaculée Conception du vendredi 7 décembre prochain à 18h30 à Notre-Dame de Paris. En ces temps troubles que nous vivons, nous pourrons confier à la sainte Patronne de la France la paix de notre nation qui ne peut naître que de la justice.
+ Michel Aupetit,
archevêque de Paris
Mgr Aillet invite les fidèles du diocèse à prier pour la France du samedi 8 décembre, solennité de l'Immaculée Conception, au 14 décembre.
Le mouvement dit des « gilets jaunes » exprime, depuis quelques semaines, la souffrance de nombre de nos concitoyens laissés pour compte d’une société où se creuse le fossé entre les plus riches et les plus pauvres. Dans un premier temps, ce mouvement social, qui a gagné l’ensemble du territoire national, s’est montré pacifique et ne demandait qu’à être entendu dans ses justes aspirations à vivre dans des conditions de vie dignes, quand les hausses de taxation annoncées risquaient de mettre en péril cette exigence et d’augmenter encore le nombre de ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Ces derniers mois et ces dernières années, les pouvoirs publics ont donné le sentiment d’écouter et de privilégier les revendications communautaristes ou catégorielles et parfois tapageuses d’un certain nombre de minorités, au détriment des préoccupations et des priorités réelles de nos concitoyens, en particulier des plus défavorisés d’entre eux, qui n’aspirent qu’à vivre le plus dignement possible ou à sortir de la précarité sociale ; ce faisant, ils n’ont fait qu’exaspérer une large partie de l’opinion et rendre quasiment inéluctable le divorce actuel entre « pays légal » et « pays réel ».
Il y a des revendications qui sont justes et des colères qui sont légitimes, mais à condition de rechercher le Bien commun, de préserver l’intégrité physique et morale des personnes, de respecter les Institutions de l’Etat et de ne pas mettre en péril la cohésion nationale. La spontanéité du mouvement des « Gilets jaunes » et son manque d’organisation manifestent la défiance des Français par rapport aux syndicats et aux partis politiques non moins que l’effacement regrettable des corps intermédiaires dont la mission est de promouvoir la justice sociale, sans faire de la « lutte des classes » leur étendard, tant l’expérience prouve qu’elle ne peut aboutir qu’à la fracture sociale, voire à la dictature.
S’il ne m’appartient pas de porter le moindre jugement sur la gestion de crise adoptée ces dernières semaines par le Gouvernement, je constate à présent, avec beaucoup d’inquiétude, le durcissement d’un mouvement où tentent désormais de s’imposer ceux qui veulent « en découdre », en s’adonnant à la violence et au pillage. Or, le chaos qui en résulterait ne ferait que peser plus lourdement sur les citoyens les plus vulnérables, au risque de nous entrainer dans de funestes aventures.
N’est-ce pas le résultat d’une société qui ne trouve pas la voie de la fraternité, faute de reconnaître une paternité commune, s’interroge Mgr Aupetit ? Comme l’écrivait le Pape Benoît XVI : « En ce moment de notre histoire, le vrai problème est que Dieu disparaît de l’horizon des hommes et que tandis que s’éteint la lumière provenant de Dieu, l’humanité manque d’orientation, et les effets destructeurs s’en manifestent toujours plus en son sein » (Lettre aux évêques catholiques du 10 mars 2009).
A la suite de Mgr Michel Aupetit, archevêque de Paris, j’appelle donc les fidèles du diocèse à prier pour la France et si possible de jeûner du samedi 8 décembre, solennité de l’Immaculée Conception, jusqu'au vendredi 14 décembre. A l’Ile-Bouchard, c’est précisément du 8 au 14 décembre 1947 que la Sainte Vierge est apparue pour demander aux petits voyants de prier pour la France qui se trouvait alors en grand danger. L'histoire nous enseigne que notre pays fut alors sauvé d'un coup d'Etat dont les conséquences auraient sans doute été dramatiques.
Puisse la Vierge Marie, patronne de notre pays qui lui a été consacré, protéger la France et nous aider à retrouver la paix sociale, la concorde et l’unité.
La faillite.
On aura beau élever des montagnes de commentaires comme c’est le cas ces jours-ci, la violence qui couve et qui se déchaîne dans notre pays signe paradoxalement la faillite du « gagner plus ». Tant que ce « gagner plus » sera érigé en arc de triomphe au sommet de la vie du citoyen, le jeu des convoitises et des frustrations attisera la guerre des uns contre les autres. Tant que le goût de l’infini, qui marque la différence humaine, n’aura d’autre horizon que l’accumulation des biens, l’épuisement de la planète ira de pair avec la ruine des moins avantagés. Et ceux-ci casseront l’idole d’or, faute de pouvoir l’embrasser.
La colère du peuple rejoint celle du prophète Isaïe qui, déjà à son époque, ne mâchait pas ses mots : « Ton argent est devenu de l’écume…Tes chefs sont des rebelles, complices des voleurs. Tous ils aiment les présents, ils courent après les gratifications ; ils ne rendent pas justice à l’orphelin et la cause de la veuve n’arrive pas jusqu’à eux » Is 1,22-23
Certes, une mesure de justice s’impose car sur l’échelle des valeurs économiques l’écart des revenus est indécent et on ne comprendra jamais ce que peuvent bien signifier ces fortunes privées que plusieurs vies ne suffiraient pas à épuiser. Mais un geste fort souhaité en ce sens ne sera efficace qu’en changeant les critères de la réussite humaine et qu’en déboulonnant l’idole de Mammon que l’on a réussi à introduire dans le panthéon de chacun. Mais alors, par qui remplacer Mammon ? Par Celui qui n’a rien mais qui Est tout ; par Celui qui nous fait grandir et gagner en partageant ; par Celui que nos soi-disant sages ont recouvert du voile de leur autosuffisance.
Le temps de Noël qui approche sera-t-il favorable à ce renversement des valeurs ? On peut en douter quand le jeu préféré des enfants d’une maternelle consiste à comparer le nombre des jouets reçus à l’occasion de cette fête et qu’aucun adulte n’intervient pour stopper ce genre de compétition! La vraie révolution commence à Noël quand des pauvres se trouvent enrichis en étant comblés de la sollicitude de Dieu et que des riches se trouvent indigents devant Celui qui n’a pas voulu garder pour Lui sa condition divine et s’est fait pauvre pour tous… Et que les uns et les autres en tirent toutes les conséquences !
Jean Casanave