Ce Vendredi là ...
31/ Ce Vendredi-là …
La croix se dresse comme un mât sur le mont des tortures. La revanche a martelé l’acier en rivant le prophète à son rêve. La loi se venge-t-elle ainsi en clouant la Parole ? Pieds entravés, mains retenues, empêchées de saisir et de rendre la paix, l’homme incline peu à peu sa tête. Seuls crient les yeux grands ouverts sur le vide. Hurle l’Amour arraché :
« Où sont-ils donc ? Où est Pierre ? Père où es-tu ? Le ciel est loin. La terre incandescente m’attire. Les remparts brûlent au crépuscule. La grâce est refusée, la grâce est accordée, Barabbas relâché, l’incroyable procès touche au terme. Je n’en puis plus… Pourquoi d’un coup tant de violence ? La nuit s’avance. Voici le bois de la dernière parabole. J’ai peur.
Vais-je mourir pour rien ? Mais non... je vois à mes pieds tous les suppliciés de la terre, tous les éprouvés, les oubliés, les malades, ceux qui touchent le fond de l'horreur, les désespérés, les sans-visages. Ils sont là avec moi, autour de moi. Ma souffrance et la leur sont liées. S'ils pouvaient comprendre ! S'ils pouvaient comprendre que je suis Dieu en ce moment où je leur ressemble ! Que je suis Dieu sans réserve pour eux ! Mais, dis-moi, Père, est-ce parce que nous sommes unis, tellement unis qu'il me faut aller aussi loin ? Est-ce ainsi que tu me fais sauver les hommes ? Mais je les aime, je n’ai jamais cessé de les aimer … Père, que ta volonté soit faite... »
Ce Vendredi-là est peut-être la plus forte et inattendue Parole de Dieu. La Révélation culmine dans le scandale de cette heure où Jésus, déchiré, écartelé par la haine, meurt au milieu des condamnés. Aussi tragique qu'eux, tant il est vrai qu'il n'y a pas deux façons de mourir, mais tout en résistant dans un acte ultime de confiance et d’amour.
Tout bascule en éternité par l’unique salut en cet unique geste. Et cette croix, tendue entre terre et ciel, devient un signe paradoxal d’espérance, de liberté et de surgissement. Le silence du tombeau protègera la semence… Mais, ce Vendredi-là, le voile se déchire, la mort est terrassée sur son propre terrain, tandis que la lumière se déploie lentement comme un feu, au sommet du Golgotha, ce crâne isolé où l’Histoire s’éclaire…