Misère sous guirlandes
Mgr André Dupleix
Recteur honoraire de l'I.C. de Toulouse
Professeur à l'Institut Catholique de Paris
58/ Misère sous guirlandes
Ce pourrait être le nom d’un village qui serait alors, à coup sûr, le plus peuplé du monde… Car nul ne peut évaluer le nombre de sans-abris, de malheureux, d’éprouvés en tout genre, qui circuleront sous les innombrables décorations, guirlandes et luminaires de nos villes, parées
pour les fêtes de fin d’année.
Si je parle ici de fêtes c’est bien parce que ce terme, certes légitime, remplace de plus en plus celui de Noël, comme si l’on craignait une forme de récupération religieuse, oubliant au passage – nous aurons l’occasion de le rappeler – que cette grande célébration chrétienne est indissociable de notre solidarité avec tous ceux et celles qui souffrent où se sentent abandonnés au cœur même de nos grandes cités.
Il n’est aucunement question de bannir la fête. Peut-être même que, paradoxalement, ceux qui n’ont pas le cœur à la faire, accrocheront encore à ces lumières extérieures un brin d’espoir. Mais si, au moins, nous pouvions réduire l’écart entre les signes extérieurs de richesse ou de consommation effrénée et la misère de tant de nos frères et sœurs en humanité, ce serait déjà bien.
L’Église, récemment interpellée – entre autres institutions – par la ministre du logement, n’est pas en retard, et de loin, en matière d’accueil ou d’accompagnement des plus démunis et des plus pauvres. Il y a certains jugements dont la globalité sans nuances mériterait d’être corrigée par un minimum d’information objective. Au seul bénéfice de cette interpellation, notons au moins que nous sommes tous renvoyés à la célèbre réplique de Saint Vincent de Paul à qui l’on demandait : « Que pouvons-nous faire de plus ? » La réponse se concentra en un seul mot : «Davantage ! »
Davantage, pour les chrétiens toujours appelés, par la nature même de leur foi, à mettre en conformité leurs paroles et leurs actes. Davantage aussi, pour les hauts responsables de l’Etat appelés, tout aussi vigoureusement, à accentuer leurs efforts en vue d’une efficace et impartiale politique du logement pour tous.
Les guirlandes ne supprimeront certes pas la misère. Mais nous ferons tout pour que les lumières de nos villes ne soient pas plus fortes que la petite flamme qui brûle dans nos cœurs. .