Un nouveau Notre Père ?
Mgr André Dupleix
Recteur honoraire de l'I.C. de Toulouse
Professeur à l'Institut Catholique de Paris
35/ Un nouveau Notre Père ?
Autant le dire de suite, on ne peut vraiment pas parler d'un nouveau Notre Père mais, comme l'a justement rappelé le journal La Croix, de nouveaux mots ne concernant, de fait, que la cinquième demande jusqu'ici traduite par "ne nous soumets pas à la tentation".
Il faut rappeler que le Notre Père, prière partagée par tous les chrétiens, provient des évangiles de saint Matthieu (6,9-13) et de saint Luc (11,1-4). C'est la seule prière transmise par Jésus aux disciples et intégrée à la célébration de l'Eucharistie. Cette nouvelle traduction, plus large que le seul Notre Père, concerne l'intégralité de la Bible pour la liturgie. Un travail réalisé durant dix sept années par un groupe d'experts, biblistes et écrivains francophones.
Il est donc question d'une traduction. Or la traduction, proposée en 1966, et en vigueur jusqu'à ce jour, a suscité quelques légitimes interrogations, face à l'idée que Dieu pourrait provoquer la tentation ou nous soumettre au mal. Il est vrai que le texte grec de base utilise, tant chez Matthieu que chez Luc, un verbe dont la traduction habituelle est "faire entrer" ou "introduire" ou encore "conduire dans..". La nouvelle proposition : "et ne nous laisse pas entrer en tentation", tout en étant proche du verbe grec, laisse davantage entendre que Dieu ne conduit pas directement dans la tentation mais sur des voies où la tentation peut nous attendre et nous éprouver. Il nous donne alors la force d'y résister. Et c'est bien cela que nous lui demandons.
N'oublions pas le récit des tentations de Jésus, dans ce désert où l'Esprit l'a conduit, selon le texte même de l'Évangile (Mt 4,1). Les voies sur lesquels Dieu nous conduit sont ouvertes sur la lumière et sont des lieux où notre liberté est intacte y compris face aux menaces de dérive, de déstabilisation et de mort. La tentation n'est pas en soi un péché. Elle peut même susciter parfois une plus grande mobilisation de notre amour et fortifier notre lien à Dieu. Le saint Curé d'Ars osa affirmer : "La tentation nous est utile et nécessaire pour nous rappeler la présence de Dieu"...
Mais y entrer peut être aussi un risque. Et pourquoi ne pas demander à Dieu de nous éviter ce risque ?