2 octobre : Fête du Bienheureux Antoine Chevrier, Fondateur de l'Œuvre du Prado (✝ 1879)
Bienheureux Antoine Chevrier. Fondateur de l'Œuvre du Prado (✝ 1879)
Vicaire dans une paroisse pauvre de Lyon, il choisit l'humilité et l'extrême dénuement pour se mettre au service des pauvres.
En 1860, il loue un ancien dancing, "le Prado" et c'est là qu'il va catéchiser les enfants de la misère.
Mais il veut aller plus loin. Il fonde avec quelques Prêtres et quelques Sœurs la "Société du Prado" pour vivre en pauvres parmi les pauvres, vivant ainsi l'idéal évangélique dans toutes ses exigences.
Il a été Béatifié par le Pape Saint Jean-Paul II, à Lyon, en 1986.
Créateur de l’institut séculier du Prado à Lyon, le Père Antoine Chevrier (1826-1879) a vécu toute sa vie au service des pauvres, puisant dans l’Évangile la force d’écouter, de suivre et de faire aimer Jésus-Christ.
Aux côtés des plus pauvres. Octobre 1879. Dans « la Guillotière », quartier alors le plus misérable de Lyon, plus de 10 000 personnes suivent la dépouille d’un prêtre, le Père Antoine Chevrier, né le 17 avril 1826 dans la même ville. Sur le trottoir, quelqu’un s’étonne d’une telle foule : « Mais c’est le père Chevrier, un ami des pauvres ! » Toute sa vie de prêtre (il est ordonné à 24 ans en 1850), il l’a passée dans la Guillotière au côté des petits et des humbles, des hommes déracinés venus du Dauphiné, de la Creuse ou d’ailleurs. Ils travaillent depuis l’aube jusqu’à la nuit tombée ; ils dorment dans des « garnis » et des taudis ; ils cherchent à se distraire dans des cafés malfamés. Lyon entre dans l’ère industrielle et s’étend. La conscience ouvrière s’éveille en ce nouveau monde en gestation et sans boussole. Parfois la révolte gronde. Antoine Chevrier, lui, va son chemin, cherchant passionnément quelques petites lumières dans les cœurs au-delà de la misère ou du péché. Il veut que l’Espérance se lève dans le monde des déshérités et surtout que, parmi eux, des jeunes puissent consacrer leur vie à faire connaître le Christ au milieu des pauvres.
Une expérience fondatrice. Quelle était donc la source où Antoine Chevrier puisait la force d’aller de l’avant pour faire connaître le message de l’Espérance ? Ce fut une expérience mystique, la nuit de Noël 1856 ; celle-ci fut le véritable pivot de sa vie. Antoine Chevrier se recueille devant la crèche, dans le silence de l’église Saint-André dont il était le desservant. Soudain, la pauvreté de l’Envoyé de Dieu le saisit, l’enveloppe, le remplit d’une lumière si bouleversante que, pour lui, se confondent la crèche de Bethléem et la pauvreté des enfants des rues de la « Guille » : Dieu vient nous parler ! Et de quelle manière étrange, par un enfant à la paille ! Quelle merveille ! Il vient donc pour les pauvres de la « Guille », jusque dans la profondeur de leur misère. Une décision s’impose en son cœur de prêtre, de messager de la Parole de Dieu : « J’irai au milieu d’eux, je vivrai leur vie et ils verront ce que c’est qu’un prêtre. » Dès lors sa vie fut fixée et libre, de la liberté de l’Évangile !
Une œuvre. Le voici par les rues, avec les enfants. Il devient en 1857 compagnon d’un chrétien engagé dans ce milieu populaire, Camille Rambaud (1822-1902) qui est en train de bâtir « la Cité de l’Enfant-Jésus ». Il y est heureux. Mais bientôt insatisfait : « Je n’ai pas assez de temps pour parler de Jésus », se plaint-il. Il cherche ailleurs. Il entend parler d’un bal mal famé qui est à vendre, lieu de débauche appelé « Le Prado ». Il tremble, mais a l’audace de l’acheter grâce au soutien financier d’amis. Bientôt avec des moyens dérisoires et toujours précaires, il accueille des enfants des rues, ou qui travaillent dans des « fabriques ». Durant six mois, avec quelques jeunes femmes qui deviendront plus tard des consacrées, il leur enseigne à lire, à écrire, et à écouter l’Évangile. Il nourrit même, au secret de son âme, l’espoir de trouver de futurs prêtres familiers des pauvres, capables de les comprendre, de les aimer et de leur parler au cœur.
Ah, l’Évangile ! Sa boussole à lui c’est l’Évangile, cet Évangile qui a fait de lui un homme libre : 18 000 pages écrites de méditations sur la vie de Jésus, bien qu’il n’ait jamais écrit de traité systématique. Il est passionné. « Connaître Jésus-Christ c’est tout, le reste n’est rien. » Sa vie est brûlante. Chaque jour, il prie Dieu pour recevoir son Esprit : « Celui qui a l’Esprit de Dieu a un grand trésor. C’est dans l’oraison qu’on apprend tout. Qu’on laisse faire Dieu. » La Vierge Marie tient une grande place ; chaque jour il médite et commente en public les mystères du Rosaire afin de contempler la vie de Jésus. Pour Antoine Chevrier, le Christ est au centre et il écarte toute incantation moralisante qui pourrait désespérer les pauvres gens accablés de misère ou de fatigue. Attaché à la personne de Jésus, séduit par lui comme le fut saint Paul, il le prend pour seul maître. « Aimer comme Jésus l’a fait », deviendra la devise qu’il affichera dans l’ancienne salle de bal devenue chapelle : « Aimez-vous comme je vous ai aimés ». En lui brûle le feu de l’Évangile. De temps en temps, il se rend dans une petite grange à Saint-Fons, à quelques kilomètres de Lyon. Devant la crèche pour les animaux, il médite la vie de Jésus. Il voudrait que l’Évangile devienne pour tous une maison accueillante que l’on aime visiter et où l’on goûte le bonheur de « demeurer longuement ». À son exemple, quelques jeunes s’attachent à l’Évangile au point de désirer être prêtres. Là, dans cette grange, il les réunit. Ils sont 12 ; nous sommes en 1866, il y a 150 ans.
Une icône
Un logo
En réalité, il s’agit d’un SYMBOLE très simple. Nous sommes face à un assemblage de trois dessins, représentant les trois grandes stations de la vie du Christ, mais également de la vie de tout disciple qui désire ‘suivre Jésus-Christ de plus près’. Le Père Chevrier a maintes fois évoqué ces « stations » au fil de ses écrits spirituels ou de ses lettres, dans l’intention de former à partir de l’évangile aussi bien des laïcs, des sœurs, que des prêtres.
Le Bienheureux Antoine Chevrier les a méditées longuement, c’est pourquoi elles constituent les trois dimensions fondamentales de la spiritualite du Prado.
I) la CRÈCHE : toute l’Œuvre du Sauveur commence là, humblement, petitement. C’est ainsi que le Fils de Dieu, le Verbe éternel, a voulu rejoindre notre humanité au plus bas, pour n’en perdre aucun. Aujourd’hui, c’est encore ainsi que le Vivant-Ressuscité continue de se révéler et de manifester sa Gloire, même parmi les plus pauvres. Pour qui veut suivre le Christ, quel style de vie et de relations humaines, cela entraîne-t-il ? Parmi les pauvres, quel divin témoignage recevons-nous ? Quels types d’actions pastorales et d’engagements devons-nous développer, pour imiter Jésus-Christ dans la Crèche ?
II) la CROIX : scandale pour beaucoup, folie pour d’autres, la croix est en réalité le lieu le plus éclatant de l’Amour fou de Dieu pour toute l’humanité. Un amour qui va jusqu’au bout, qui refuse de maudire ou de détruire les pécheurs. Un amour qui sauve en s’en remettant totalement entre les mains du Créateur de la Vie. Pour qui veut suivre le Christ, que veut dire ‘prendre sa croix’ chaque jour (Matthieu 16,24) ? Comment est-il possible d’accueillir ou de traverser les épreuves, qui ne manquent pas de survenir ? Comment rester proches de ceux et celles qui portent lourd dans leur vie ?
III) Le TABERNACLE : Antoine Chevrier disait : ‘le prêtre est un homme mangé. Il faut devenir du bon pain’. Il ne s’agit pas d’être débordés ou absorbés par mille et une tâches, mais unis à Jésus, il s’agit de donner la Vie de Dieu en donnant la totalité de notre propre vie. Le Christ eucharistique est toujours présent à notre humanité, comme nous le rappelle le Tabernacle : il est le Christ total, de la crèche à la Résurrection, mais en passant par la Croix. Pour qui veut suivre le Christ, comment se laisser transformer et habiter par Jésus-Christ ? Comment porter le Christ aux autres dans la totalité de notre personne et de notre vie ?
Le Père Antoine Chevrier a représenté et admirablement synthétisé ces trois stations sur les murs du célèbre « tableau de St Fons » : là, il les a dessinées lui-même en grand et commentées pour les 12 premiers jeunes qu’il commençait à préparer au ministère sacerdotal, comme St François d’Assise avait voulu donner à voir le mystère de l’incarnation dans une vraie Crèche, à Greccio.
Une image sur un mur. Notre temps demande des images. Lui vient à l’idée de fixer sur les murs de la grange de Saint-Fons « le tableau » de sa pensée : à l’image du Christ, le prêtre est un homme animé de charité, pauvre et crucifié. C’est dans l’amour que la pauvreté et la croix prennent sens et donnent vie. Le langage de ces inscriptions sur les murs est abrupt, saisissant, mais tout est illuminé de la charité présente au manifesté au tabernacle, « aboutissement de l’incarnation ». Un « tableau » comme une icône qui vous dévisage, vous interroge, vous appelle à suivre Jésus.
Une fécondité. Quelques mois avant sa mort le 2 octobre 1879, le Père Chevrier traverse une épreuve crucifiante. Plusieurs des quelques prêtres qu’il a formés le quittent pour la mission lointaine ou le monastère. Dans une lettre, il signe « un pauvre délaissé sur la croix ». Ce n’était pas encore l’heure de la fécondité. Les fruits vont tarder, mais ils sont venus, non sans de multiples épreuves. Aujourd’hui, les 1 200 prêtres du Prado sont présents dans une quarantaine de pays du monde et la famille du Prado connaît des diacres, des sœurs, un Institut féminin du Prado, des laïcs consacrés, et des laïcs familiers de la grâce du Père Chevrier.
Un charisme pour notre temps. Le charisme du Prado, c’est suivre Jésus au plus près de son Évangile et de la vie des pauvres. C’est vivre du mystère de l’incarnation, c’est laisser le Christ « passer en nous » pour lui permettre de naître dans la vie des pauvres. Ainsi, jusque sur des visages défigurés de misère, peuvent se révéler à nos yeux des lumières et des reflets de l’Évangile. « Notre cœur et notre prière seront comme un creuset où l’Évangile et la vie des hommes longuement médités se rencontrent et s’éclairent mutuellement. » Au contact de l’Évangile et de la vie des pauvres, les Pradosiens et Pradosiennes en leurs fraternités acquièrent un « tour de main », un savoir vivre qui peut, au gré de la grâce, ouvrir le chemin vers Dieu.
Marie, pour aller à Jésus. Dans son désir de toujours mieux connaitre Jésus-Christ, chemin vers le Père, et afin de le faire connaître et aimer par tous, le Père Chevrier priait et faisait prier Marie à l’aide du chapelet : « Le chapelet, c’est le livre de tout le monde : c’est le livre du prêtre et du peuple ; c’est le livre de l’aveugle ; c’est le livre du vieillard dont l’œil se ferme aux choses de ce monde ; c’est le livre du savant et de l’ignorant ; c’est le livre de celui qui souffre… ». Il disait aussi : « Le Rosaire a été établi pour nous rappeler la vie de Notre Seigneur Jésus-Christ. » C’est ainsi que chaque soir, dans la chapelle du Prado, entouré d’une foule de gens très humbles, il commentait à voix haute les mystères du Rosaire pour faire découvrir qui était vraiment Jésus-Christ.
Vers une canonisation. Enterré dans la chapelle du siège du Prado, le Père Chevrier a été béatifié par saint Jean-Paul II lors de sa visite à Lyon le 4 octobre 1986 en présence d’une foule de 350 000 personnes. Un procès de canonisation est en cours.